L’entretien du domaine

La Cour de Lestre, c’est un immense chantier. Un chantier permanent. Depuis près de 100 ans nous soutenons le propriétaire dans ses efforts pour le maintien de cette demeure et de ses bâtiments agricoles. Lorsque mes grand-parents arrivent à la Cour en 1925, c’est un domaine malmené qu’ils découvrent. Les fermiers précédents ont, parmi d’autres exemples, utilisé les plus grandes pièces de la maison (les chambres à coucher du 1er étage et les greniers) pour conserver le grain. Ils ont également disposé le van mécanique ou tarare en haut de l’escalier d’honneur pour trier le grain. Pendant des années, l’accumulation du grain a sali les planchers, la vermine a rongé le bois et s’y est incrustée. Les rats attirés par le grain ont accumulé des grandes quantités de saleté dans les faux plafonds. Mes grands-parents s’emploient a nettoyer les pièces et à leur redonner leur usage d’origine. Des années plus tard en 1953, notre mère restaure les parquets du 1er étage elle-même et sans machine c’est à dire qu’elle ponce entièrement à la main les parquets des deux grandes pièces. Après ce sauvetage, elle les entretient à la perfection pendant des décennies .

Un véritable chantier-école

Nos parents font preuve de beaucoup de créativité et d’un incroyable dynamisme autant dans la ferme que dans la restaurations des bâtiments. Bien que locataires, ils redoublent d’efforts et d’ingéniosité pour entretenir et restaurer les bâtiments avec de très faibles moyens financiers et techniques. Ils nous apprennent beaucoup à cette époque et la Cour est un véritable chantier de formation. Nous apprenons à tapisser d’immenses murailles (environ 4 m sous plafond), à poser des tentures murales, à peindre, à faire des enduits, à restaurer des stucs, à maçonner, à décaper les cheminée peintes et repeintes, etc. Et cela dès l’âge de 13 ou 14 ans

Les extérieurs exigent également beaucoup d’entretien

L’entretien du site, bâtiments, cours, espaces verts, constitue une vaste tâche. Il exige beaucoup de temps, des moyens techniques et des investissements importants. La cour principale fait à elle seule près d’un hectare. Les espaces qui environnent les bâtiments, mares et leurs abords, ruisseaux, douves, chemins et avenues, font plusieurs hectares. Il faut les entretenir également dans toutes leurs surfaces et leurs recoins : faucher l’herbe régulièrement, arracher et couper les ronces aussi souvent que possible pour tenter de les éradiquer, curer mare est fossés de la boue qui s’accumule inexorablement, empierrer les chemins et avenues … L’une des tâche les plus ardue, consiste à éliminer les lierres et ronces qui poussent sur et dans les murs. La ferme possède des centaines de mètres de mur. Les murs de la douve en eau sont les plus difficiles à entretenir car leur accessibilité est problématique. Il faut descendre une échelle dans la douve, en enfoncer la base dans plus d’un mètre de vase instable. Se percher sur l’échelle au dessus le l’eau pour arracher les plantes à la main. Remonter le lierre tombé dans l’eau sur la terre ferme, retirer l’échelle et recommencer ainsi mètre après mètre. Parfois le lierre est si gros et résistant qu’il faut lutter pour le décoller du mur sans arracher les pierres.

Curage de la douve côté nord-est à l’aide du pelle mécanique, cliché pris par H. Godefroy vers 1975

L’entretien des portes et fenêtres constitue également un chantier permanent. La maison d’habitation possède plus de 40 ouvertures. Les bâtiments agricoles en comprennent à peut près autant. Il faut les entretenir et les peindre régulièrement. Et il n’est pas possible de le faire faire par une entreprise. C’est en général à moi que cela incombe. Chaque année, au début des vacances, mon père achète un grand pot de peinture blanche et me dit : « Voila, dans les deux mois qui viennent tu vas peindre au minimum deux fenêtres et cinq portes parmi celles qui en ont le plus besoin ». Peindre n’est rien. La préparation du support constitue la partie la plus ardue du travail et certaines fenêtres sont si abimées que je dois effectuer un véritable travail de restauration préalable.

Des arbres plantés par millers

En un siècle famille a planté plusieurs milliers d’arbres à la Cour. La ferme est très exposée au vent violent et froid du Nord-est. (vent d’amount). Notre grand-père, père puis frère ont planté des milliers et des milliers d’arbres pour protéger la maison, les récoltes et les animaux et aussi pour maintenir l’écosystème du bocage. A partir des années 1985, Il a fallu remplacer les ormes mort de la graphiose, maladie due à un champignon qui a commencé à sévir en 1981. La replantation sur les talus est très difficile et délicate car ceux-ci sont très vite envahis par les ronces et les orties qui étouffent rapidement les jeunes arbres. Les talus sont occupés par de nombreuses racines qui laissent peu de place aux nouvelles plantations. Les talus sont également beaucoup plus secs que le terrain environnant et il est nécessaire d’arroser les plantations. pendant plusieurs années il faut protéger les arbres des bovins friands des jeunes pousses. Dans le marécage, il faut protéger leurs racines des galeries creusées par les rats musqués. C’est pourquoi un pourcentage assez faible d’arbres plantés peut ainsi atteindre l’âge adulte.

Pierre actuelle fermier de la Cour plante toujours des arbres. Il planté récemment des haies sur talus. Talus qu’il a façonné lui-même. Il a également constitué un verger de pommiers pour maintenir les variétés historiques de pommes à cidre du domaine.

Détail du paysage en direction du marais et de la mer en 1926. Rien ne protège la maison du vent d’amount (vent de nord-est très froid) qui souffle souvent en tempête.
En 1977, avant la graphiose des ormes qui a décimé 90 % des arbres, le rideau d’arbres est dense.
Même cadrage en 1990. Malgré la graphiose des ormes et la grande tempête de 1988, il subsiste plusieurs rideaux d’arbres entre la mer et la maison. Ils ont été plantés par mon grand-père et mon père.
Ma collection de plantes exotiques, certaines rapportées des Pays-Bas et du Cameroun. Fin des années 1980.
Les ormes en fleurs dans l’avenue. Cliché couleur diapositf, début des années 1950. Ces arbres sont tous morts entre 1981 et 1985 de la graphiose.
Au tout début des années 1950, mes parents ont restauré les pièces du rez-de-chaussée à l’est de la façade principale . Ils ont transformé ce qui était une laiterie en pièces habitables. La cheminée était en partie détruite. Papa l’a restaurée, lui à redonné un linteau (ou manteau) en y incrustant un blason sur lequel figure les trois léopards de la Normandie. Ecusson que Papa a sculpté lui même dans la pierre. Maman a peint dans la partie haute du linteau un fragment de la tapisserie de Bayeux. Cliché 2020.

LE PIGEONNIER

Il subsiste les vestiges d’un pigeonnier d’époque médiévale. Il a probablement été détruit pendant la période révolutionnaire. Il ne reste qu’un fragment de muraille semi circulaire. Son démantèlement ancien a non seulement consisté à abattre les deux tiers des murs mais également à arracher les pierres intérieures ne laissant qu’une faible épaisseur de la parois externe de la muraille.

Les vestiges de l’ancien pigeonnier vers 1930

Les obus tombés sur la ferme pendant le débarquement allié ont détruits plusieurs bâtiments parmi les communs. Des dommages de guerre accordés au propriétaire ont permis de reconstruire une étable neuve à la place des étables détruites. Ces travaux terminés, le propriétaire disposait d’un reliquat d’argent qui devait être utilisé dans les bâtiments . Mon père lui proposa de construire un nouveau pigeonnier avec cet argent. Mon père en fit les plans, les soumis au propriétaire qui donna son accord. C’est ainsi qu’entre 1949 et 1950, mon père dessina le projet et en conçu la charpente assez complexe. Aidé de maçons, mon père construisit les murs et monta lui-même la charpente avec le bois tiré des ormes de la ferme. Le débit du bois était très problématique car les arbres étaient tous criblés d’éclats d’obus. Le sciage mécanique en était rendu presque impossible. Aucune atteinte ne fut faite à l’ancien pigeonnier qui fut conservé dans l’état en léger retrait du nouveau.

Fin du chantier de maçonnerie, remarquez le bouquet de fleur traditionnel fixé au sommet du gable de façade. Cliché R. Godefroy ,1950.

Le pigeonnier devin un poulailler. Il accueillait les poules à l’étage. Celle-ci devaient monter à un escaler en bois fixé sur la droite du bâtiment. Vingt ans après, cet escalier devenu dangereux, notre grand-mère installa ses poules au rez-de-chaussée. Ainsi dans les années 77 ou 78, j’ai pu utiliser cet étage pour créer un local à mon usage personnel. Il était extrêmement sale, plein des fientes de poules accumulées depuis des décennies. Après nettoyage, j’y installais mes oiseaux, mes hamsters, souris blanches et rats domestiques … Je n’avais pas encore se singe !

Le pigeonnier couvert de vigne vierge. Vers 1951, Papa a remonté un tour de pressoir en granit (Touo de carré) provenant du val de Saire. En son centre il a placé un petit jet d’eau coulant en permanence grâce à un ingénieux système de captage d’une source. Remarquez la girouette en forme de coq au sommet du bâtiment. Papa la façonna dans du cuivre provenant du matériel laissé par l’armée américaine en 1944. Cliché des années 1980.
Notre grand-mère avec ses poules, le chien Fakir et ses deux premières petites filles. Cliché noir et blanc colorisé des années 1959 ou 60.

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